Compte-rendu de l'atelier à la rencontre annuelle des adhérents
du 29 - 30 - 31 août 1998.

- L'atelier avait lieu le dimanche de 13H à 14H30. il a réuni une quinzaine de personnes.

- En attendant que tout le monde arrive, je me suis présenté, j'ai fait un bref compte-rendu de l'activité du groupe depuis sa création au Larzac l'année dernière, et j'ai présenté le travail que je suis en train de faire sur le fonctionnement des réseaux en tant qu'activité de formation des adultes. (pour information en fin de ce compte rendu, et j'aimerais avoir vos réactions à ce sujet)
- Un premier tour d'horizon a permis de connaître, en grandes lignes, les motivations, les intérêts et attentes de chacun .
- La plupart des personnes présentes sont des parents, connaissant mal ou très peu les différentes écoles alternatives.
- Trois sont enseignants, dont l'un de la Mafpen, (formation des enseignants) désirant travailler dans l'école "officielle" mais en appliquant le plus possible "l'esprit alternatif" dans le but de faire changer ou du moins d'améliorer le "système". Avec toutes les difficultés et résistances que cela comporte.
- deux jeunes ayant l'intention de devenir enseignant veulent se renseigner
sur les différentes possibilités existantes, dans le système classique ou
alternatif.
- enfin, une personne travaillant dans le domaine de la formation d'adultes.
- Les questions posées portaient sur la validité des diplômes, les différences essentielles entre les deux formes d'enseignement, les possibilités de choix, tant pour les parents que pour les enseignants. Enfin nous avons débattu brièvement, (par manque de temps) sur les
avantages et inconvénients inhérents aux deux écoles :
- Dans l'école classique, les enfants rencontrent d'autres enfants de différents milieux, classes sociales, religions, etc. bref, plus de diversité et donc de possibilité de former un esprit critique, par rapport aux autres enfants. D'un autre côté un dogmatisme plus ou moins manipulatoire de la part desenseignants, au mépris de la personnalité des enfants. (voir pensée unique)
- Dans l'école alternative, forcément privée, les coût sont prohibitifs pour la plupart des parents, et les enfants risquent de n'avoir de relations, amicales ou autres, qu'entre personnes de même "tendance", intellectuelle ou autre. (risque "d'enfermement" voire sectaire, voulu, ou par la force des choses) D'un autre coté, prise en considération de la personnalité des enfants, éveil de leur capacités, plutôt que "bourrage de crâne", participation active des enfants, des enseignants et des parents à la vie de l'école, par des interactions constantes entre la vie sociale, culturelle, artistique, voire politique, dans le sens "citoyen" du terme.
J'en retiens principalement que tout le monde a convenu du fait qu'une école n'est pas forcément "bonne" parce qu'elle est alternative, mais d'abord parce qu'elle permet la participation de tous, dans l'intérêt des enfants, compris non seulement dans un sens pédagogique mais aussi social, culturel, ou autre...
Le temps limité n'a pas permis d'approfondir davantage les échanges, j'ai donc proposé à chacun de se charger de recueillir des informations, sur le ou les sujets qui le concerne particulièrement afin d'alimenter le débat qui pourra se poursuivre par correspondance.
Je rappelle mon adresse : Didier Bodin - ECOLONIE - 88260 - Hennezel -
Je centralise toutes les informations que je renverrais ensuite à tous les
inscrits au groupe d'étude.
P.S. Après l'atelier, j'ai fait le tour des stands et je me suis aperçu, trop tard, de la présence de deux projets d'écovillages avec école ! Emeraude, Je regrette beaucoup de n'avoir pas pu en parler, ainsi d'ailleurs que l'absence de Iris Simonet, avec qui je tenais le stand Montessori, mais qui participait à un autre atelier au même moment. Je ferais mieux la prochaine fois !

POURQUOI LES RESEAUX ?
Didier BODIN

Si le principe des réseaux existe depuis plus de quinze ans, (ex. MRERS) leur croissance connaît aujourd'hui une accélération importante. C'est bien le signe qu'ils répondent à un besoin, que j'identifie, je dirai pourquoi, à un besoin fondamental pour tout être humain : communiquer.
Le besoin de communiquer est un corollaire, tant de la nécessité d'agir que du besoin d'échanger. Si, dans le passé, l'apprentissage de la communication se faisait à travers les actions de tous les jours, aujourd'hui ce n'est plus le cas, du moins pour une majorité de personnes. La perte de repères culturels empêchant la transmission " naturelle " des savoirs entre générations, la fracture sociale rendant inaccessibles les offres de formation à qui n'est pas solvable, et la complexité croissante des nouvelles technologies de la communication : tous ces changements se
conjuguent pour " exclure " un nombre croissant de personnes de tous les systèmes de communication de la " modernité ".
Dans un groupe humain, quel qu'il soit, il existe toujours un "système de règles" pour pouvoir communiquer, entre action et réflexion. Ce sont ces règles qui définissent la culture d'un peuple. Si dans le passé ces règles semblaient naturelles, c'est qu'elles étaient assimilées inconsciem-ment. Aujourd'hui le libéralisme tend, entre autres méfaits, à détruire toute règle, et ainsi, d'empêcher la communication entre les hommes, pour les contraindre à la soumission par la pensée unique. (Sans aucune violence apparente, et de se fait sans possibilité de révolte)
Dans les réseaux que je connais (le MRERS - Mouvement des Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs, le SEL - Système d'Echange Local, le Réseau des Ecovillages ), on y apprend, ou réapprend, à communiquer avec "les autres", quels que soit leur culture, leur milieu social, leur métier, etc. en partant de l'expérience de chacun, de l'endroit où l'on vit, des
personnes que l'on connaît !
C'est ainsi que chaque réseau permet à ses adhérents, de réinventer des règles spécifiques :
- La réponse aux besoins culturels ou multiculturels se fait par autoformation dans le MRERS,
- La réponse aux besoins de production alternative par l'écologie dans lesécovillages,
- La réponse aux besoins d'échanges économiques dans les SEL.
Les trois réseaux étant complémentaires et fonctionnant, au niveau de la communication, suivant le même principe, que j'ai essayé d'analyser.

1)Le MRERS - apprentissage de l'autoformation - apprendre à apprendre en partant de son expérience personnelle :
- en offrant son savoir à un ou des demandeurs, l'offreur est obligé de le conscientiser pour le reformuler dans un contexte différent (celui du demandeur). Il doit lui-même apprendre à enseigner, et donc théoriser son savoir. Il participe par là à la création culturelle de son milieu.
- en cherchant à apprendre un savoir, le demandeur valorise socialement l'offreur, et permet au savoir théorisé de circuler et d'enrichir toutes les personnes qui le reçoivent et qui l'enrichissent à leur tour de leur expérience. Il participe par là au développement social de son milieu.
Dans les MRERS, une équipe d'animation s'occupe particulièrement de la vie et du développe-ment du réseau, en terme de convivialité, et pour chaque échange, un médiateur est volontaire pour en assurer l'efficacité en terme de transmission de savoir. C'est donc au médiateur, aidé par l'équipe d'animation, de veiller à l'application des principes "communicationnels" inhérents à la pédagogie des réseaux. A savoir la différenciation méthodologique dans la
transmission des savoirs - culturels - sociaux - techniques.

- Culturel, par l'élaboration d'un projet, nécessitant la diffusion de certains savoirs.
- Social, par la renégociation de son identité, souvent dans le sens d'une ouverture multiculturelle.
- Technique, par le passage obligé de l'apprentissage de nouveaux moyens
communicationnels.
Quand j'utilise le terme de règles, je n'entends pas l'élaboration de contraintes, ou d'un cadre rigide hors duquel il n'y aurait point de salut, mais l'apprentissage, la connaissance "intime" et la maîtrise "douce" de ses propres capacités et potentiels relationnels. Sans forcément passer par
les techniques dites de développement personnel, mais par la formation à l'autoformation. Que l'on pourrait appeler "techniques de développement social".

2)Les écovillages - les technologies et méthodes alternatives ont encore, pour le moment, une diffusion plutôt confidentielle - malgré l'affirmation de principe de la priorité de l'éducation et de la formation, donc éventuellement de l'autoformation, exprimée par le GEN (Global Ecovillage
Network) au niveau mondial, le réseau français continue à reporter toute tentative de définition de règles pour son propre fonctionnement. En retombant dans les éternels conflits sans solution puisqu'il s'agit en fait de problèmes de pouvoir, et empêchant ainsi l'établissement de toute
prospective ou programme à moyen ou long terme, élément préalable indispensable à tout investissement, même écologique. Pour l'instant, la communication ne passe pas, mais peut-être que les récents problèmes, et la confusion qui en découle, permettront-ils d'accélérer le mouvement, et de s'en occuper.

3)Le SEL - Il est très difficile de rendre compte de la diversité des SEL et d'en formuler une théorie globale. (encore plus que pour les deux premiers réseaux) Apparemment, c'est le "simple" fait de se rencontrer à intervalles réguliers aux "marchés" qui permet aux adhérents de créer ou de recréer une culture locale avec son "système" de communication propre, qui ne peut
s'apprendre que sur place, en y participant. Mais ce n'est pas si simple. par exemple je constate dans le SEL de Besançon, le même problème à chaque nouvel adhérent : qu'est-ce que je vais
y gagner ? quels sont les risques juridiques, financiers, etc ? en bref, comment faire confiance ?

Il me semble que, globalement, la fonction d'apprentissage de la maîtrise de la communication dans les réseaux en général, est aussi discrète qu'efficace, et se déroule suivant un processus original : une sorte de "sas", où l'on n'est plus tout à fait dans la société "normale", pas encore dans une autre société, que personne ne connaît mais dont on ne se préoccupe pas, mais que l'on invente collectivement au fur et à mesure. Ou plus exactement, quand des besoins "réels" se font sentir, plusieurs réponses individuelles se conjuguent pour y répondre.
C'est ce qui fait que la communication y soit fondamentale, car elle doit justement servir de lien, d'articulation entre les différentes initiatives. Ces initiatives doivent rester sous l'autorité des personnes qui les ont mises en oeuvre, tout en laissant un temps et un espace permettant à d'autres de s'y joindre, et d'y apporter leur contribution, comme et quand ils le peuvent. Les "règles" qui régissent ce type de communication sont différentes par nature de celles de la société "normale", dans le sens où elles doivent répondre à d'autres critères, comme celui de donner la capacité de gérer des situations d'incertitude, et donc, paradoxalement, d'être toujours provisoires, "recyclables" et "biodégradables", d'être toujours négociables par tous, tout en permettant le développement de stratégies à long terme.
Ce que je veux dire est que ces règles existent déjà, dans la pratique "correcte" des réseaux, mais que les extérioriser, les écrire sous forme de statut, de charte ou de règlement, n'est qu'une partie du "fonctionnement réseau"; et elle ne sert à rien si les adhérents des réseaux ne se rendent
pas compte qu'ils ne doivent pas simplement "coller" à quelque chose qui existe une fois pour toutes, mais que "la règle c'est nous".
Et ce "nous" n'est pas exprimable simplement en terme de règles xtérieures de "conformité" à un idéal ou à une personne, mais de confiance, de respect de son propre sentiment de justice, et de responsabilité. (j'appellerai cela la démocratie de l'ici et maintenant)
Je pense que ce n'est pas un hasard si les monnaies dites "fictives", naissent en même temps que l'euro. C'est, à mon avis, le témoignage de la "fracture" irrémédiable entre deux "sociétés": celle de l'argent officiel et celle de la monnaie "vernaculaire". (Voir Illich)
Le temps nous dira laquelle est la plus fictive des deux !

Représentation schématique de l'établissement de règles de fonctionnement d'un réseau :
(par exemple, je viens de lire les règles de plusieurs SEL sur internet ; il me semble qu'il y a une certaine confusion entre statuts - charte - règlement, peut-être que ce schéma pourra vous aider ?)
PROJET
responsabilités – statuts-règles de respect du sentiment de justice individuel et collectif
IDENTITE LIENS
confiance - charte communication - règlement

Représentation schématique de la gestion de règles : il faut veiller à l'équilibre dynamique pour que les règles restent une aide et ne deviennent pas une entrave au développement.
Si l'on se rend compte que l'un des trois pôles devient trop fort ou trop faible, il faut agir sur les deux autres pour rééquilibrer l'ensemble. Une "veille éthique" me semble indispensable, mais elle doit être faite par tous ceux qui sont concernés, et pas par un comité, ni d'éthique, ni de sages, ni même de médiateurs.
PROJET
priorité des investissements
choix des moyens et du système de communication
IDENTITE LIENS
priorité des valeurs priorité des échanges
choix des temps et des procédures (court ou long terme) choix des personnes